JIN SHIN JYUTSU, UN PERE ET SON FILS

J’ai commencé à pratiquer le Jin Shin Jyutsu en 1994, à Versailles où je vis. Mes parents et la plupart de mes 8 frères et sœurs vivaient alors en Vendée. Je sentais que mon père, alors âgé de 83 ans, aurait pu bénéficier de mon aide, se sentant vieillir, perturbé par un cancer de la prostate, et surtout voyant l’ennui gagner sa vie du fait qu’il ne pouvait plus faire ce qu’il avait l’habitude de faire.

Mon père était un homme peu causant, surtout envers ses enfants, bien que nous ayons toujours su qu’il nous aimait. La communication passait toujours par ma mère, aussi je lui suggérais qu’elle propose des séances à mon père. Elle avait vu au fil des ans comment j’étais sorti de dépression en ayant trouvé, grâce au Jin Shin Jyutsu, l’équilibre mental et émotionnel qui m’avait longtemps fait défaut. Ainsi, elle demanda à mon père s’il acceptait de recevoir mon traitement, et il répondit « Si c’est si important pour Philippe, alors d’accord. »

Pendant les 3 années qui suivirent, je rendis visite à mes parents 4 fois par an, pendant 5 jours à chaque fois. A raison d’une séance par jour, je traitais mon père. Je m’asseyais près de lui et posais mes mains sur ses épaules ou sur d’autres parties du corps, à travers ses vêtements. J’en vins rapidement à penser qu’il ne solliciterait jamais de séance, n’ayant jamais rien demandé pour lui-même de toute son existence. « Je n’ai pas l’impression que cela me fasse grand chose mais au moins, ça peut pas faire de mal. » fut le seul commentaire auquel j’eus droit sur le Jin Shin Jyutsu au cours de ces années.
Au bout deux ans, pendant une de mes visite, j’accompagnai mon père chez le kinésithérapeute. Celui-ci travaillait à renforcer les muscles autour de la région de la prostate. Mon père ne voulut pas aller le voir seul, ayant toujours redouté le corps médical qu’il n’avait quasiment pas fréquenté depuis 40 ans. Il me demanda donc de l’accompagner. A ma grande surprise, au cours de la visite, je l’entendis dire à cet homme très classique dans son approche médicale, « ce que mon fils me fait m’aide beaucoup » Complètement étonné de ce que je venais d’entendre, je tentais d’expliquer « ce que je faisais » au kinésithérapeute, utilisant pour mon père cet art que visiblement il appréciait.

Depuis 10 ans, depuis que j’ai commencé à étudier le Jin Shin Jyutsu, j’ai peu à peu pris conscience de la douleur que j’éprouvais de ne pouvoir communiquer avec mon père. Grâce au contact de mes mains, je trouvais enfin une façon de communiquer, d’entrer en contact avec lui, pour la première fois de ma vie. J’avais longtemps cherché le moyen de m’approcher de lui, et je commençais à désespérer de ne pouvoir jamais communiquer. Grâce à ce contact, j’en vins peu à peu à comprendre ce qu’il avait enduré dans sa vie. En tenant les « Verrous de sauvegarde d’énergie » mon père commença à s’ouvrir et à me faire part de ses douleurs passées. Il en vint à me parler de son père alcoolique et violent (je ne l’avais jamais entendu parler de son propre père auparavant). Au contact direct de mon père, je pus sentir combien il avait souffert, dans son corps et tout son être, de sa petite enfance pendant la première guerre, de ses 3 années passées en camp de prisonnier en Poméranie pendant la 2ème guerre. Alors seulement je pus avoir pour lui de la compassion, pour toutes ces années de silence, pour ne m’avoir jamais parlé, ni à mes frères et sœurs ; je pus comprendre comment il avait emmagasiné toutes ces douleurs et s’être ainsi fermé depuis si longtemps.
Mon père mourut en 1998 quelques jours après son 87ème anniversaire. Le Jin Shin Jyutsu est pour moi un cadeau immense pour lequel j’ai beaucoup de gratitude, la gratitude d’un fils ayant eu l’opportunité « d’entrer en contact » avec son père pendant les dernières années de son existence.
Philippe Douillard
Versailles, France

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